Poèmes soufi

Dis à ton coeur qu'il cesse de se livrer au chagrin,

Car le chagrin ne dimunie pas à se nourrir de larmes.

Tous les fruits du limon de la terre ne sont que chagrins,

Toutes les fêtes de l'homme en réalité ne sont que deuil.

O oiseau de l'âme ! Ne vole pas autour de la douleur :

Tes ailes et tes pattes ne peuvent avoir de prise dans le chagrin.

Le coeur emprunte au monde sans chagrin des ailes telles

Qu'il renonce ensuite à voler autour du monde d'ici-bas.

O mon coeur ! Le corps est ton vieil ennemi;

Un vieil ennemi ne deviendra jamais comme un proche parent.

O mon coeur ! Endurcis-toi, sois moins vulnérable;

Si l'on est facile à blesser, on ne devient pas confident des secrets.

Sois pareil au poisson dans l'océan spirituel;

Il n'a point d'autre compagnon que l'eau limpide.

Le poisson n'est jamais lassé de l'océan;

C'est en dehors de lui qu'il se sent misérable.

Il existe en ce monde un océan invisible,

Et seuls, les fils d'Adam y peuvent pénétrer.

Si l'homme ne se détache pas de l'animalité,

il ne parvient pas à plonger dans la source de Vie.

Garde le silence, car l'homme spirituel

Doit s'abstenir même des mots " Lâ" et " Lâm " (non et jamais).

Rûmi